Post-industrialisme et éducation

Par Ivan Koprić

Les villes post-industrielles sont des villes en transition d’un modèle industriel de production, de travail, de structure sociale, de culture, d'organisation urbaine, de gestion des villes et de besoins éducatifs vers un modèle post-industriel. Elles évoluent en parrallèle des restructurations, transitions et transformations sociétales ayant eu lieu au cours des dernières décennies. Le terme “post-industriel” a été inventé par le sociologue américain Daniel Bell dans son ouvrage The Coming of Post-Industrial Society publié en 1973.

Le post-industrialisme désigne le passage d’une production de biens à une production de services (tertiarisation), l’accroissement du nombre d’employés alors que la main d’oeuvre était auparavant majoritairement ouvrière, la préoccupation croissante pour les enjeux de protection de l'environnement et de qualité de vie urbaine, la transition vers des valeurs post-modernes (post-matérialisme, diversité, participation, genre, etc.), l'émergence de nouveaux intérêts de recherche et de nouvelles disciplines dans les universités (intelligence artificielle, villes durables, intelligentes et vertes, culture et art post-modernes, gouvernance urbaine participative, études sur la diversité et le genre, sciences de l'information, études environnementales, conception d'institutions modernes de gouvernance publique, etc.). La transition post-industrielle a conduit à de nouvelles évolutions scientifiques et à l’émergence d’innovations technologiques dans les sciences naturelles et techniques, la médecine, le droit et les sciences sociales. Elle a également stimulé la diversification des sciences appliquées.

La transition post-industrielle a imposé aux universités ancrées dans les anciens bassins industriels, une importante adaptation en matière de recherche scientifique et d'enseignement universitaire. Elle a, en outre, exigé un développement rapide et continu des programmes d'études et des politiques de recherche, ainsi que leur ancrage dans des demandes urbaines et sociétales de plus en plus précises.

L'orientation et le contenu des programmes d'études et de recherche ont été marqués par le post-industrialisme ce qui a contribué à les rendre trans- et pluridisciplinaires. Cette trans- et pluridisciplinarité nécessite de combiner une variété d'approches pour pouvoir répondre à des notions aussi complexes que celles de “ville verte et intelligente”, “ville durable, solidaire et basée sur la connaissance”, “qualité de vie urbaine”, “arts communautaires et développement culturel”, “répartition du pouvoir et gouvernance participative”, “bonne gestion urbaine”, “gestion de la diversité”, etc.

La rénovation urbaine, l'agriculture urbaine, les jardins verticaux, les parcs et les espaces verts, les sports et les loisirs, les animaux domestiques, les transports urbains intégrés, la construction de maisons respectueuses de l’environnement, la réduction de la pollution atmosphérique et de la pollution sonore, la protection de l'environnement, la production d'aliments bons pour la santé, le traitement de l'environnement urbain, la co-création culturelle, les arts collectifs, la sécurité urbaine, la gestion des données de la ville, la réalité virtuelle augmentée et son utilisation, ne sont que quelques-uns des thèmes et des expressions en vogue pour traduire des concepts post-industriels complexes dans la réalité des activités universitaires, qu'il s'agisse de recherche, de transfert de connaissances ou d'enseignement.

Les méthodes d'enseignement et d'apprentissage ont par ailleurs également été modifiées, avec une attention nouvelle sur l'apprentissage par la pratique, la résolution de cas pratiques, l'approche clinique, l'échange avec des experts qui ne sont pas formellement liés aux universités, etc.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, dans un important document intitulé Charte urbaine européenne II : Manifeste pour une nouvelle urbanité, adopté en 2008, donne une vision actualisée des villes européennes modernes, en réponse aux développements ayant suivi l'adoption de la première Charte urbaine européenne en 1992. Dans le Manifeste de 2008, le Congrès a mentionné la désindustrialisation comme l'une des principales bases de changements sociaux, économiques et urbains, changements qui doivent être pris en compte dans la nouvelle politique urbaine européenne. Le Congrès considère les villes comme "le cadre idéal pour l'économie de la connaissance, avenir de la croissance économique en Europe". Il n'est pas nécessaire d'expliquer l'importance des universités comme acteurs de ce type d'économie.

L'Union européenne joue un rôle actif dans la transition et la renaissance des villes post-industrielles à travers la mise en place d’un certain nombre d'initiatives, en accentuant et en finançant des actions portant sur des thèmes prioritaires pour les villes européennes : transitions numérique et énergétique, économie circulaire, qualité de l'air et réponse aux enjeux climatiques, mobilité et accessibilité urbaines, utilisation durable des sols et solutions respectueuses de l’environnement, pauvreté urbaine, logement, inclusion des migrants et des réfugiés, etc. Les universités jouent un rôle essentiel dans la production de connaissances sur ces thèmes.

La renaissance des villes post-industrielles européennes et le post-industrialisme au sens large, ont, dans une certaine mesure, été reconnus comme des thématiques d’études et de recherché pertinentes par de nombreuses universités européennes. Pour l’alliance des huit universités formant la nouvelle Université européenne des villes post-industrielles (UNIC), participer à l'économie de la connaissance, chercher des solutions innovantes aux problèmes de la nouvelle urbanité européenne et participer au développement urbain suivant les principes de villes durables, intelligentes, numériques et vertes n'est pas une tâche anodine.

C'est une occasion historique d'établir un modèle de coopération en matière d'enseignement, de recherche et de conception commune de programmes d'études dans tous les domaines scientifiques (notamment sciences naturelles, techniques, sociales et appliquées) mais également dans ceux des arts et la culture. La coopération académique de ces huit universités ira de pair avec la résolution de problèmes urbains concrets et offrira des solutions innovantes aux besoins de développement urbain. La complexité de cette collaboration entre universités et entre universités et villes permettra de créer la synergie nécessaire pour dépasser les frontières des villes et des pays et permettre un transfert de connaissances au niveau européen.

Cette cooperation permettra l’émergence d’un nouveau modèle, basé sur une réponse universitaire globale aux défis des villes post-industrielles européennes, en lien avec les attentes des citoyens européens. En participant à la création de ce nouveau modèle, tous nos départements, facultés et académies universitaires - du génie électrique et civil à la médecine et aux sciences humaines, en passant par l'architecture et l'agriculture - seront en mesure de faire des progrès significatifs dans la construction d'un avenir meilleur.